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Dans les roses peut-être une abeille s’élance :
Je voudrais être abeille et mourir dans les fleurs !
Ou le petit oiseau dont le nid s’y balance !
Il chante, elle est heureuse ; … et j’ai connu les pleurs.
Je ne pleurais jamais sous la voûte embaumée ;
Une jeune Espérance y dansait sur mes pas ;
Elle venait du ciel, dont l’enfance est aimée ;
Je dansais avec elle ; oh ! je ne pleurais pas ;
Elle m’avait donné son prisme, don fragile ;
J’ai regardé la vie à travers ses couleurs ;
Que la vie était belle ! et, dans son vol agile,
Que ma jeune Espérance y répandait de fleurs !
Qu’il était beau l’ombrage où j’entendais les Muses
Me révéler tout bas leurs promesses confuses !
Où j’osais leur répondre, et, de ma faible voix,
Bégayer le serment de suivre un jour leurs lois !
D’un souvenir si doux l’erreur évanouie
Laisse au fond de mon âme un long étonnement ;
C’est une belle aurore à peine épanouie,
Qui meurt dans un nuage ; et je dis tristement :

Qu’a-t-on fait du bocage où rêva mon enfance ?
Oh ! j’en parle toujours ! j’y voudrais être encor !
Au milieu des parfums j’y dormais sans défense,
Et le soleil sur lui versait des rayons d’or.

Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie,
J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur ;