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CONTE D’ENFANT.


Il ne faut plus courir à travers les bruyères,
Enfant, ni sans congé vous hasarder au loin.
Vous êtes très-petit, et vous avez besoin
Que l’on vous aide encore à dire vos prières.
Que feriez-vous aux champs, si vous étiez perdu ?
Si vous ne trouviez plus le sentier du village ?
On dirait : Quoi ! si jeune ! il est mort ! c’est dommage
Vous crîriez… De si loin, seriez-vous entendu ?
Vos petits compagnons, à l’heure accoutumée,
Danseraient à la porte, et chanteraient tout bas ;
Il faudrait leur répondre, en la tenant fermée :
« Une mère est malade ; enfant, ne chantez pas ! »
Et vos cris rediraient : « Ô ma mère ! ô ma mère ! »
L’écho vous répondrait, l’écho vous ferait peur.
L’herbe humide et la nuit vous transiraient le cœur.
Vous n’auriez à manger que quelque plante amère ;
Point de lait ! point de lit !… Il faudrait donc mourir !
J’en frissonne ! et vraiment ce tableau fait frémir !
Ma tendresse pour vous éveille ma mémoire,
Et d’un petit agneau me rappelle l’histoire.