Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1820.pdf/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(178)

Que toi-même tu n’en recèles ;
Mais que j’ignore encor celui qui rend heureux !
Si jamais à l’Amour elle enlève une plume,
Et m’accorde, tremblante, un premier rendez-vous,
Romps pour moi ta lente coutume,
Avance ! avance ! et reste à ce moment si doux !
Mais, pour me consoler, cette belle inhumaine
N’a jamais de loisir !
Tu marcheras toujours pour prolonger ma peine ;
Elle y prend du plaisir.
Ah ! pour toi, qu’elle admet jusque dans sa parure,
Avec froideur, loin de te repousser,
Si sa main te rencontre en nouant sa ceinture,
Sa main semble te caresser !
Près d’un sein palpitant, où s’enferme une Grâce
Qui te balance, et te presse, et t’embrasse,
Comment peux-tu demeurer, sans frémir,
Où l’Amour même aurait peur de mourir ?
Oui, caché par Lyris entre deux fleurs mi-closes,
L’Amour, ivre d’amour et du parfum des roses,
Aurait peine, accablé de sa félicité,
À retenir son immortalité !
Et quand son pied léger, que guide la cadence,
T’associe, en jouant, au plaisir de la danse,
Comment ne sens-tu point, par de tendres efforts,
Se rompre tes ressorts ?