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Pauline au ciel jette un cri douloureux,
Tombe à genoux, et détourne les yeux ;
Le froid du soir circule dans ses veines ;
Son âme s’engourdit dans l’oubli de ses peines ;
Et, prenant par degrés le sommeil pour la mort,
En embrassant la terre, elle pleure et s’endort.
Dieu, qui la plaint, l’enveloppe d’un songe ;
Et la Pitié descend sur l’aile du Mensonge ;
Elle croit voir un ange protecteur
La ranimer doucement sur son cœur, « 
Presser sa main, l’observer en silence,
Les yeux mouillés des pleurs de l’indulgence.
« Dieu vous a donc envoyé près de moi,
« Lui dit Pauline, et vous suivez sa loi ?
« Si la-vertu vient essuyer mes larmes,
« Parlez ! sa voix aura pour moi des charmes.
« Voyez mon sort ! voyez mon repentir !… »
On lui répond par un profond soupir.
Son œil mourant s’entr’ouvre à la lumière…
L’ange est Edmond à genoux sur la pierre,
Qui, plein d’effroi, soutient, d’un bras tremblant,
Ce corps glacé qu’il réchauffe en pleurant.
« Ne craignez rien, dit l’amant jeune et sage ;
« Sans défiance appuyez-vous sur moi ;
« Notre cabane est au bout du village ;
« Un cri plaintif vient d’y porter l’effroi…