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Sans le vouloir, Pauline a su lui plaire ;
Edmond n’a su que l’aimer et se taire.
L’amour modeste est souvent méconnu ;
Pour éblouir il est trop ingénu.
Sans s’occuper d’un amant qu’elle ignore,
Pauline est tout à celui qu’elle adore ;
Elle ne voit encor dans l’avenir
Que le moment où l’ingrat doit venir ;
Et, respectant le séducteur qu’elle aime,
Croit n’adorer que la sagesse même.
Pensive et seule, elle y rêvait un soir :
Dans sa cabane il entre avec l’espoir.
L’amour, la nuit, la crainte, le silence,
Tout est d’accord pour perdre l’innocence.
Les yeux baissés, d’un air naïf et doux,
Elle pleure en voyant son seigneur à genoux.
Il rit tout bas de ses tendres alarmes,
À peine il voit sa pâleur et ses larmes.
Sans deviner qu’on lui vole un plaisir,
Pauline, hélas ! en eut le repentir !
Le lendemain, dans sa simple demeure,
Avec l’Amour elle attendit en vain ;
Elle attendit encor le lendemain,
Le mois entier, chaque jour, à toute heure !
Par le remords lentement déchiré,
D’un sombre ennui son cœur est dévoré.