Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1820.pdf/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(101)


LES DEUX BERGÈRES.



DORIS.

Que fais-tu, pauvre Hélène, au bord de ce ruisseau ?

HÉLÈNE.

Je regarde ma vie, en voyant couler l’eau.
Son cours languit, Doris, il n’aime plus la rive ;
Dans nos champs qu’il arrose il roule quelque ennui :
Écoute ! il porte au bois sa musique plaintive ;
Et je voudrais au bois me plaindre comme lui.

DORIS.

De quoi te plaindrais-tu ?

HÉLÈNE.

De quoi te plaindrais-tu ? Je ne saurais le dire.
Ce ruisseau paraît calme, et pourtant il soupire.
On ne sait trop s’il fuit… s’il cherche… s’il attend…
Mais il est malheureux, puisque mon cœur l’entend !
De quoi te plaindrais-tu ?

DORIS.

Tu rêves ! son cristal est pur, vif et limpide ;
On le dirait joyeux de caresser des fleurs.

HÉLÈNE.

Pour moi, j’y reconnais une douleur timide :