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LA JEUNE ÉPOUSE.


« Que je suis heureuse avec toi !
Que mon âme est contente, et que ma vie est pure !
Ainsi coule un ruisseau sous le ciel qui l’azure ;
Ainsi devrait couler le règne d’un bon roi.
Je voudrais en voir un ! je voudrais… Mais qu’importe ?
Ce n’est pas aux bergers d’en approcher jamais.
Aux champs, du Roi des rois nous sentons les bienfaits ;
Les autres n’y vont pas ; le torrent les emporte ;
Il m’effraie. — Ah ! laissons le cours de nos beaux ans
Se perdre sans éclat dans une paix profonde !
Tu crains le bruit, je crains le monde ;
Et l’écho me déplaît s’il n’a tes doux accens !
Mais que j’aime à l’entendre au loin dans la prairie,
Dès qu’il vient m’annoncer le déclin d’un beau jour,
Qu’il m’apporte ces mots avec ta voix chérie :
Voici la nuit ! voici l’Amour !
Au-devant de tes pas je me jette dans l’ombre ;
Je demeure attachée à tes bras caressans ;
Et, dans nos transports ravissans,
Je ne sais s’il fait jour, s’il est tard, s’il fait sombre :