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LES DEUX MÈRES.


N’approchez pas d’une mère affligée,
Petit enfant ; je ne sourirai plus.
Vos jeux naïfs, vos soins, sont superflus,
Et ma douleur n’en sera pas changée.
Laissez-moi seule à l’ennui de mon sort ;
Quand la vie à vos yeux s’ouvre avec tous ses charmes,
Petit enfant, plaindriez-vous mes larmes ?
Vous ne comprenez pas la mort.
La mort !… ce mot, qui glace l’espérance,
Ne touche pas votre heureuse ignorance.
Ici le malheureux cherche un autre avenir :
Hélas ! ne chantez pas lorsque j’y viens mourir !
De ces noirs arbrisseaux l’immobile feuillage,
Des pieuses douleurs les simples monumens,
D’un champ vaste, morne et sauvage,
Sont les seuls ornemens.
L’écho de cette enceinte est une plainte amère.
Qu’y venez-vous chercher ?… Courez vers votre mère ;
Portez-lui votre amour, vos baisers et vos fleurs ;
Ces trésors sont pour elle, et pour moi sont les pleurs.