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Et pour lui la nature était sombre et voilée ;
Ses printemps ignorés s’écoulaient dans la nuit ;
L’Amour jamais d’une fraîche guirlande
À ses rameaux n’avait laissé l’offrande :
Il fait froid aux lieux qu’Amour fuit !
L’ombre humide éteignait sa force languissante ;
Son front pour s’élever faisait un vain effort ;
Un éternel hiver, une eau triste et dormante
Jusque dans sa racine allait porter la mort.
« Hélas ! faut-il mourir sans connaître la vie !
(Disait le jeune arbuste en courbant ses rameaux)
« Je n’atteindrai jamais de ces arbres si beaux
« La couronne verte et fleurie !
« Ils dominent au loin sur les champs d’alentour ;
« On dit que le soleil dore leur beau feuillage ;
« Et moi, sous leur impénétrable ombrage,
« Je devine à peine le jour !
« Vallée où je me meurs, votre triste influence
« A préparé ma chute auprès de ma naissance !
« Bientôt, hélas ! je ne dois plus gémir !
« Déjà ma feuille a cessé de frémir !…
« Je meurs ! je meurs ! » Ce douloureux murmure
Toucha le Dieu protecteur du vallon.
C’était le temps où le noir Aquilon
Laisse, en fuyant, respirer la nature.
« Non ! dit le Dieu : qu’un souffle de chaleur