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SARAH.

Sauve-moi ! sauve-moi ! » Effrayé comme elle, je la suivis à travers les mornes, dans la partie déserte de l’île, au milieu des halliers et des bois touffus. Je retournai la nuit suivante enlever une pirogue qui avait appartenu à son père, et je l’apportai sur mes épaules, pour que l’on nous crût sauvés de l’île, quoique peut-être on ne s’inquiétât guère de Narcisse, ne soupçonnant rien de son malheur. J’apportai de même tout ce qui pouvait nous servir dans cette retraite, où nous demeurâmes comme ensevelis ; car elle était si cachée, si profonde, que l’on s’y croyait déjà hors de la vie. Je ne me hasardais pourtant qu’avec précaution, et pendant la nuit, à tendre mes filets dans la mer, qui passait derrière notre solitude ; et je trouvais autour de nous des fruits qui remplaçaient l’eau douce dont nous étions quelquefois privés.