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LES PLEURS.

Comme cela ! — C’est triste.


Comme cela ! — C’est triste. — Oui, si je l’avais su :
Mais je n’avais jamais vu d’écolier bossu ;
J’ai cru que les bossus venaient tout vieux au monde,
Comme Ésope à mon livre.


Comme Ésope à mon livre. — Ésope fut enfant,
Et sa mère pleura. Pitié douce et profonde,
La laideur s’embellit quand ta voix la défend.
L’homme apporte des maux dont rien ne le console !


— Mais Christophe, ma mère, est un rude garçon ;
Ce n’est qu’un paysan, le dernier dans l’école.
Et comme on riait trop pour suivre la leçon,
J’ai dit : Ésope ! Ésope ! en regardant Christophe ;
Et j’ai fait le portrait du crochu philosophe :
Voyez ! Messieurs, voyez le divin animal !


— Et que disait Christophe ?


— Et que disait Christophe ? — Il détournait la vue ;
Il cachait dans ses mains sa rougeur imprévue,
Et je crois qu’il pleurait.


Et je crois qu’il pleurait. — Tais-toi ! tu me fais mal.
Il pleurait !… Ô railleurs, que vous êtes à craindre !
Un être a donc souffert, et souffert sans se plaindre :
Tout ce qui pleure est beau. Je l’aime en ce moment ;
Oui, j’aime mieux Christophe et sa jambe tournée,