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LES PLEURS.

Ont demandé peut-être à la frêle Élodie
Pourquoi son doux visage est tout pâle de pleurs.

Elle a dit : « Taisez-vous : laissez dormir mon père.
Il ne chante plus avec nous.
Ne couvrez point ma voix ; car tout ce que j’espère,
C’est qu’il la reconnaît quand je prie à genoux.

» Mais ne vous sauvez pas : c’est encor sa demeure ;
Il aimait à nourrir vos nids et vos chansons ;
Ma mère sait par cœur ses pieuses leçons.
Et Dieu ne veut pas qu’elle meure !

» Taisez-vous : elle est veuve, et tout la fait pleurer.
Ne lui rappelez pas votre chant le plus tendre ;
Une lyre est brisée ; elle croirait l’entendre ;
Laissez-lui du silence et le temps d’espérer !

» Écoutez : car l’enfant du Barde et du poète
Sait épeler la vie en mots harmonieux,
Et mon père a versé sur ma bouche muette
Des paroles d’amour qu’il allait prendre aux cieux.