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LES PLEURS.

Et tu chantas l’amour ; ce fut ta destinée ;
Belle ! et femme ! et naïve, et du monde étonnée,
De la foule qui passe évitant la faveur,
Inclinant sur ton fleuve un front tendre et rêveur,
Louise ! tu chantas. À peine de l’enfance
Ta jeunesse hâtive eut perdu les liens,
L’amour te prit sans peur, sans débats, sans défense ;
Il fit tes jours, tes nuits, tes tourmens et tes biens !

Et toujours par ta chaîne au rivage attachée,
Comme une nymphe triste au milieu des roseaux,
Des roseaux à demi cachée,
Louise ! tu chantas dans les fleurs et les eaux.

De cette cité sourde, oh ! que l’ame est changée !
Autrefois tu charmais l’oreille des pasteurs ;
Autrefois, en passant, d’humbles navigateurs
Suspendaient à ta voix la rame négligée,
Et recueillant dans l’air ton rire harmonieux,
Comme un écho fuyant on les entendait rire ;
Car, sous tes doigts ingénieux,
Le luth ému disait tout ce qu’il voulait dire !

Tout ce que tu voyais de beau dans l’univers,
N’est-ce pas ? comme au fond de quelque glace pure,