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LES PLEURS.


Sous une voile dont l’orage
En lambeaux déroulait les plis,
Je voyais le frêle équipage
Disputer son mât qui surnage
Aux coups des vents et du roulis.

Debout, le père de famille
Labourait les flots divisés ;
Le fils manœuvrait, et la fille
Recousait avec son aiguille
La voile ou les filets usés.

Des enfans acroupis sur l’âtre,
Soufflaient la cendre du matin ;
Et déjà la flamme bleuâtre
Égayait le couple folâtre
De l’espoir d’un frugal festin.

Appuyée au mât qui chancelle,
Et que sa main tient embrassé,
La mère les couvait de l’aile,
Et suspendait à sa mamelle
Le plus jeune à son cou bercé.

Ils n’ont, disais-je, dans la vie
Que cette tente et ces trésors ;