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HUIT FEMMES.

seul à garder des livres, des filets ou des armes, qui servaient de prétexte à nos sorties. Mais, comme nous revenions toujours les mains vides, que la poudre et le plomb ne diminuaient plus, son père conçut de la défiance et le fit suivre par quelque serviteur moins fidèle que moi. Son rapport perdit mon maître. On sut qu’il avait pris de l’amour pour une jeune créole, libre comme lui, mais dont le père était si pauvre qu’il cultivait lui-même un petit carré de terre suffisant à peine à les nourrir, tandis que sa fille gardait leur case et préparait le riz qu’il recueillait pour tous deux. Mon maître n’avait pu la voir sans la plaindre ; tout de suite après il l’aima, et sentit bien que ce n’était pas par pitié. Elle l’aima de même parce qu’il semblait que Dieu le voulût, quoiqu’il les ait abandonnés de-