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HUIT FEMMES.

entière ; il gagna tellement mon cœur aigri par l’ennui de ne plus voir ma mère, que je le servis avec amour, sans penser que je servais. J’avais, je crois, quelques années de moins que lui, car je ne sais pas exactement mon âge ; il trouvait du plaisir à éclairer un peu mon ignorance ; il se plaisait surtout à me voir gai, parce que tous les esclaves de l’habitation avaient un air morne qui l’affligeait. Je dansais pour lui plaire, mais seulement quand nous étions seuls, car la sévérité de son père s’étendait jusqu’à lui faire un crime des plus innocens loisirs. Je m’aperçus bientôt qu’il devenait rêveur el inquiet ; souvent, d’un air mystérieux, il me disait de le suivre ; puis, quand nous étions hors de toute surveillance, il me faisait l’attendre à la même place, et j’y restais longtemps