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Sur l’autre rive elle s’est arrêtée ;
Abandonnez vos fleurs au courant du ruisseau ;
Doucement entraîné par l’eau,
Qu’un bouquet vous annonce à son ame enchantée !
Vous la verrez sourire en attirant des yeux
Ce don simple apporté par le flot du rivage ;
Pensive, et caressant votre riante image,
Tressaillir à vos cris joyeux.
Je l’aurais vue au temps où j’excitais l’envie,
Même en vous caressant, rêver à mon bonheur…
Cette suave joie où se plongeait mon cœur,
N’est plus qu’un poison lent distillé sur ma vie.
Mon triomphe est passé : le sien croît avec vous ;
C’est à moi de rêver à son bonheur suprême :
Elle est mère, et je pleure… ô sentiment jaloux !
On peut donc vous connaître au sein de la mort même !
Mais pour un cœur flétri les pleurs sont un bienfait ;
Le mien a respiré du poids qui l’étouffait.
Celui de votre mère en tremblant vous appelle ;
Courez, petit enfant, vous jeter dans son sein.
Ce jour est sans nuage : oh ! passez-le près d’elle !
Un beau jour a souvent un affreux lendemain…
Ne foulez plus cette herbe où se cache une tombe ;
D’un ange vous troublez le tranquille sommeil ;
Dieu ne m’a promis son réveil,
Qu’en arrachant mon ame à mon corps qui succombe.