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LA DOULEUR.


Sombre douleur, dégoût du monde,
Fruit amer de l’adversité,
Où l’ame anéantie, en sa chute profonde,
Rêve à peine à l’éternité !
Soulève ton poids qui m’opprime :
Dieu l’ordonne… un moment laisse-moi respirer !
Ah ! si le désespoir à ses yeux est un crime,
Laisse-moi donc la force d’espérer !
Si dès mes jeunes ans j’ai repoussé la vie ;
Si la mélancolie enveloppa mes jours ;
Si l’Amitié, la Gloire, les Amours,
Ont attristé mon ame à leur culte asservie ;
Si déjà mon printemps n’est qu’un froid souvenir ;
Si la Mort sur l’objet que ma douleur célèbre
A baissé son rideau funèbre ;
Laisse-moi vivre au moins dans un autre avenir !
Et si pendant cinq ans cet objet adorable
De mes jours languissans ranima le flambeau ;
Si sa beauté, si sa grace ineffable
Est aujourd’hui la proie et l’orgueil du tombeau…