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Vous sentiriez alors le besoin de rêver ;
De livrer au hasard votre marche incertaine ;
De suspendre vos pas, au bruit d’une fontaine,
Et d’y pleurer les maux que je viens d’éprouver !
N’enviez plus à votre amie
Un plaisir aussi douloureux :
Ravir la plainte aux malheureux,
C’est leur dire : Quittez la vie.
Quand je vous vois disputer au miroir
De fraîcheur et de grace avec les fleurs que j’aime ;
Quand je vous y vois prendre en secret pour vous-même
Tout le plaisir que l’on goûte à vous voir ;
M’entendez-vous, ô ma chère Délie,
Vous reprocher un passe-temps si doux ?…
Non ! je deviens moins sombre en vous voyant jolie ;
Je pardonne à l’Amour, je lui souris pour vous.
Mais si de la gaîté la parure est l’emblême,
Elle donne un éclat plus triste à la pâleur :
À la beauté brillante il faut un diadême,
Il faut un voile à la douleur.
De ce lis embaumé, qui pour vous vient d’éclore,
Couronnez votre front charmant ;
Mon front, que l’ennui décolore,
Doit se pencher sans ornement.
Du sort qui m’enchantait la fatale inconstance
De ma jeunesse a flétri l’espérance :