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Laisse ta compagne plaintive,
Sans espérance et sans bonheur,
Au fond d’un bois, seule et pensive,
Exhaler sa vaine douleur !
Quelques feuilles bientôt y couvriront ma tombe.
Sans le haïr, je fuis le monde,
En le fuyant j’obéis à sa loi.
Ô ma fauvette ! il fut trop cruel envers moi !
J’ai tout perdu : la solitude
Me promet un triste repos :
Ta compagne blessée y cachera ses maux,
Et du chant des regrets reprendra l’habitude.
Ce monde indifférent n’aura pas mes adieux ;
C’est à toi seule, à toi de les entendre ;
Il rit des plaintes d’un cœur tendre,
Et repousse les malheureux ;
Pour le charmer, conserve ton ramage :
Plus heureuse que moi, fauvette, sois plus sage !
Maîtresse de ton sort et libre de choisir,
Sous un ciel toujours pur va chercher un asile :
Le froid climat où l’on m’exile,
Serait pour toi le tombeau du plaisir.
Ce plaisir qui t’appelle en un brillant parterre,
T’y prépare déjà ses riantes couleurs ;
Il sait que la fauvette, et joyeuse et légère,
Doit chanter au milieu des fleurs.