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Six mois ainsi coulent rapidement :
Tout est bonheur, ivresse, enchantement.
Un villageois, qui soupirait pour elle,
Renferme alors sa tendresse fidelle,
Ne la suit plus, et cache à tous les yeux
Son humble hommage et ses timides vœux.
Sans le vouloir, Pauline a su lui plaire ;
Edmond n’a su que l’aimer et se taire.
L’amour modeste est souvent méconnu…
Il parle bas. — L’autre est mieux entendu.
Sans s’occuper d’un amant qu’elle ignore,
Pauline est toute à celui qu’elle adore.
Elle ne voit encor dans l’avenir
Que le moment où l’ingrat doit venir ;
Et respectant le séducteur qu’elle aime,
Croit n’adorer que la sagesse même.
Enfin, guidé par un coupable espoir,
Pensive et seule, il la surprend un soir :
L’Amour, la nuit, la crainte, le silence,
Tout est d’accord pour perdre l’innocence.
Les yeux baissés, d’un air naïf et doux,
Elle pleure en voyant son seigneur à genoux ;
Riant tout bas de ses tendres alarmes,
À peine il voit sa pâleur et ses larmes.
Sans deviner qu’on lui vole un plaisir,
Pauline, hélas ! en eut le repentir !