Page:Desbordes-Valmore - Élégies, Marie et romances.pdf/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(38)


CONTE

IMITÉ DE L’ARABE.


C’était jadis. Pour un peu d’or,
Un fou quitta ses amours, sa patrie.
De nos jours, cette soif ne paraît point tarie :
J’en connais qu’elle brûle encor.
Courageux, il s’embarque ; et, surpris par l’orage,
Demi-mort de frayeur, il échappe au naufrage.
La fatigue d’abord lui donna le sommeil,
Puis enfin, l’appétit provoqua son réveil.
Au rivage où jamais n’aborda l’Espérance,
Il cherche, mais en vain, quelque fruit savoureux.
Du sable, un rocher nud s’offrent seuls à ses yeux :
Sur la vague en fureur il voit fuir l’existence.
L’ame en deuil, le cœur froid, le corps appesanti,
L’œil fixé sur les flots qui mugissent encore,
Sentant croître et crier la faim qui le dévore,
Dans un morne silence il reste anéanti.
La mer, qui par degrés se calme et se retire,
Laisse au pied du rocher les débris du vaisseau ;
L’infortuné vers lui lentement les attire,
S’y couche, se résigne, et s’apprête un tombeau.