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Hé bien ! fais le partage, en généreux vainqueur ;
Amour, pour toi la gloire, et pour moi le bonheur.
C’est un bonheur d’aimer, c’en est un de le dire.
Amour, prends ma couronne, et laisse-moi ma lyre ;
Prends mes vœux, prends ma vie… Hélas ! prends tout, cruel ;
Mais laisse-moi chanter au pied de ton autel ! » —
« Non, dit l’Amour : ta prière me blesse ;
Dans le silence, obéis à ma loi :
Tes yeux en pleurs, plus éloquens que toi,
Révèleront assez ma force et ta faiblesse. »
Muse ! voilà le ton de ce maître si doux.
Je n’osai lui répondre, et je versai des larmes ;
Je sentis ma faiblesse, et je maudis ses armes.
Pauvre lyre ! je fus muette comme vous.
L’ingrat ! il a puni jusques à mon silence.
Lassée enfin de sa puissance,
Je te rends, ô ma Muse, et mes vœux et mes chants.
Viens leur prêter ta grace, et rends-les plus touchans…
Mais tu pâlis, ma chère, et le froid t’a saisie !
C’est l’hiver qui t’opprime et ternit tes couleurs !
Je ne puis t’arrêter, charmante Poésie,
Adieu ! tu reviendras dans la saison des fleurs.