Page:Desbordes-Valmore - Élégies, Marie et romances.pdf/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(32)


LES DEUX AMOURS.


Je m’ignorais encor : je n’avais pas aimé…
Ô dieu ! si ce n’est toi, qui pouvait me l’apprendre ?
À quinze ans, j’entrevis un enfant désarmé ;
Il me parut alors plus folâtre que tendre ;
D’un trait sans force il effleura mon cœur ;
Il fut léger comme un riant mensonge ;
Il offrait le plaisir, sans donner le bonheur ;
Un jour, il s’envola… Je ne perdis qu’un songe.
Je l’ai vu dans tes yeux cet invincible Amour,
Dont le premier regard trouble, saisit, enflamme,
Qui commande à nos sens, qui s’attache à notre ame,
Et qui l’asservit sans retour.
Cette félicité suprême,
Cet entier oubli de soi-même,
Ce besoin d’aimer pour aimer,
Et que le mot amour semble à peine exprimer ;
Ton cœur seul le renferme, et le mien le devine ;
Je sens, à tes transports, à ma fidélité,
Qu’il veut dire à-la-fois, bonheur, éternité !…
Et que sa puissance est divine.