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L’entendement tiré en sa plus digne place
Me commande chanter d’une pareille audace,
Et mon œil va cherchant dans la brune espesseur
20Le char & les chevaux de ce grand ravisseur,
Qui laissant de l’Enfer les richesses avares
Devint enamouré de nos Tresors plus rares.
Doncques je veux chanter la profonde Junon,
Que le lit nuptial a fait changer de nom.
25Retirez vous de moy, retirez vous Profane,
Phebus persé me sens ainsi qu’un diaphane.
Je le respire ô Dieu, je le sens, je le voy.
Sa divine fureur a chassé loin de moy
Tous les pensers humains, pour des visions sacres.
30Je voy desja desja mouvoir les simulacres
Des sieges bluétans : & ces flambeaux espars
Qui rendent ainsi l’air si cler de toutes pars,
Monstrent que le Dieu vient : par la trace du vuide
Un grand son retentit : le Temple Cecropide
35S’esmeut en fremissant : & la bonne Eleusis
Monstre ses saints flambeaux en un lieu haut assis.
Les Serpents escailleux qui tirent Triptoleme
Siflent levant un peu le vermeil Diademe
De leur creste rosine, & leur colz recourbez
40En replis ondoians sont demy derobez.
Je voy de loin Hecate en sa triple figure.
Je voy l’aymé Jaccus ornant sa chevelure
De Lierre verdissant : un Tigre Parthien
Luy sert d’accoustrement assemblant d’un lien
45Ses ongles surdorez : Thirse de Meonie
Tu asseure ses pas, il asseure ta vie.