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A MA MERE

I.


MA Mere, estant citoienne des elements j'ay pensay devoir quelque tribut à ceux chez qui je demeurois : Et me trouvant à l'heure ces lettres en la main, doutant auquel des quatre je les devois donner, il m'a semblé que chose si legere ne devoit pas entrer au sein de la terre pesante. Leur obscurité n’est point digne du feu luysant. L'air diaphané laisseroit paroistre leurs defauts : & l’onde transparante les feroit sembler beaucoup plus grands. A qui les offriray-je donc, puis qu’elles sont si peu desirables que moy-mesme suis ennuyee de les retenir ? Mais pourquoy veux-je payer ma debte au despẽds de celles qui estans de long temps envoyees à plusieurs personnes d'honneur, ont des-ja gaingné le nom de Missives ? Et que puis-je craindre à leur ruine, sinõ ce que je desire en leur faveur : c'est que l'encre humide & le papier (qui prend couleur & figure par l'humidité) leurs prestent un chariot pour les tirer à l'air : où estant veues par quelques-uns qui les despriseront encore plus que je ne fais, elles seront aussi tost jettees au feu, lequel les ayant expiees & reduites en cendre, les rendra fidelement à la terre.