Je passeray pour de toy l’un à l’autre monde.
Mais qui sera ma guide & me conduira,
Où ce cruel te tient ? mon chariot ira
Comme il plaira au Sort. Dione abandonnee
Cherchoit ainsi Venus. Et moi plus estonnee
Je te cherche ma Fille, en ce piteux labeur,
Ne sçachant point (helas) si j’auray la faveur
De toucher quelque fois ta face delicate.
Ton beau tain resemblant à la rose incarnate.
Est il tousjours pourpré, ou bien si la palleur
Ha triste que je suis ! amoindrist sa valeur ?
O ma Fille mon ame, he n’est-ce point mensonge,
Du mal que je te voy toutes les nuits en songe ?
Ce disant elle marche arrosant de ses pleurs
Les flammes de l’Ætna, & deteste les fleurs,
Coupable de ses maux, & le lieu de la prise
Elle court esgaree, & sa flamme s’attise
Aux vent de ses souspirs : elle plaint en tous lieux :
Elle conte sa perte aux hommes & aux Dieux.
La splendeur de son feu esclere l’Italie
Et l’Hetrusque, & le Syrte & toute la Lybie.
Dans le sein de la mer ceste flamme reluit.
L’ombre s’en est fuie, il n’y a plus de nuit.
Les antres Scylians, les gouffres Cynofales
Reverent estonnez ces grands torches fatales.