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115Reçoit un voile obscur du Royaume poissé.
Sa Mere la regarde aiant le cueur pressé :
Quel crime (ce dit elle) a merité la gesne
Que souffre ton beau corps d’une si dure chesne ?
D’où viennent tant de maux ? qui cause ta maigreur ?
120Qui te difforme ainsi ô ma Fille, mon cueur ?
He ce lien de fer qui tes bras environne,
Pourroit meurdrir les pieds à une fiere Lyonne.
Mais es tu là ma Fille, ou si je me deçoy ?
Est-ce un image faux qui se presente à moy ?
125Sa Fille luy respond : helas Mere cruelle,
Qui mesprise ton sang pour rechercher Cybelle :
Ta Fille t’est unique, & unique en malheur
Pour son mal tu n’as point sentiment de douleur.
Las sans avoir pitié de ma tant dure guerre,
130Tu esmeuz de chansons la Phrygienne terre.
Pauvre je suis tiree en ce lieu pour souffrir,
Et ton secours vers moy ne se vient point offrir.
Si tu ne veux passer la Tigre Caspienne
En fiere cruauté pense que je suis tienne.
135Et si mon nom t’est doux, & si le tien m’est saint,
Oste ce fer cruel qui durement me ceint,
Si le destin ne veut que lassus je demeure
Dans ton giron aymé, viens moy voir à quelque heure.
Ce disant ell’essaye à luy tendre les bras,
140Mais les chesnes de fer ne le permettent pas :
Et ses tremblantes mains font que le fer resonne.
La Mere se reveille, & s’escrie & s’estonne,
Bien aise dont le songe a son esprit deceu,
Faschee du baiser qu’elle n’a point receu,