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et nerveux, et la voilà, bacchante pensive, qui jette au ciel un ricanement coupé de sanglots. Tantôt "elle apparaît avec des ailes d’ange, quand Lamartine se lève comme un médiateur spiritualiste entre le ciel et la terre ; tantôt elle reparaît avec des ailes olympiennes, quand Théophile Gautier sculpte pour elle un palais féerique, architecture orientale où règne la Vénus de Milo. Émile Deschamps l’appelle avec un sourire, et c’est Pompadouren Andalouse ; Brizeux l’invite avec une larme, et c’est Galathée chrétienne. Elle suit Laprade dans les bois mystiques, Arsène Houssaye dans les bois amoureux. Elle est Aphrodite ou Colombine, selon la pensée de Théodore de Banville, le plus fantaisiste et le plus classique des charmeurs de ce temps ; avec Leconte de Lisle, voyageuse de l’histoire, elle se met en marche à la recherche de tous les dieux et de tous les autels ; avec Baudelaire, le dernier et non le moins admirable, douloureuse, mystique, maladive, elle ouvre tout un infini de sensations. Enfin, avec le plus grand de tous, Victor Hugo, elle est à la fois évocatrice et visionnaire, à deux faces comme Janus, l’une tournée vers les féeries du passé légendaire, l’autre fixée sur les mirages du démocratique avenir !

Apprécions le service rendu par l’anthologie à tant de poètes charmants, maîtres après ces maîtres, qui se trouvent rappelés au public trop oublieux. C’est Bérangerqui gagne à ce triage sévère. Et combien d’autres ! Et pourtant que d’hommes d’un talent rare encore exclus de ce Panthéon par des proscriptions capricieuses ou involontaires ! Pourquoi méconnaître