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également se briser contre un fait invincible, contre la permanence de la conspiration royaliste, contre l’hostilité toujours prête de la contre-révolution, qui, elle, ne désarmait pas.

Ouvrir les prisons fut un bien, mais élargir tous les suspects sans exception et sans garanties fut évidemment un grand mal. La politique et l’humanité prescrivaient de faire cesser les persécutions, de soumettre les tribunaux révolutionnaires à des lois modératrices, d’adoucir la situation de ceux que l’on pouvait détenir jusqu’à la paix ; mais la politique et l’humanité aussi défendaient de lancer sur un sol brûlant des milliers d’hommes aigris et furieux, outrés de vengeance et de persécutions, aussitôt embauchés par une Némésis implacable. Il fallait rompre avec les barbaries, cesser de créer des victimes, mais conserver des otages. Surtout il ne fallait pas, sous couleur de robespierrisme, combler ces prisons à peine rouvertes de patriotes exaltés mais énergiques, et n’opérer, en définitive, qu’une substitution au bénéfice des ennemis de la Révolution.

Telle est la politique thermidorienne dès ses débuts, aveugle ou intéressée. Le système de conciliation que les meilleurs voulaient établir, l’apaisement qu’ils rêvaient, nous séduiraient à coup sûr, si cette conciliation n’avait été illusoire et impossible, si cet apaisement n’avait abouti à des concessions dangereuses, si enfin l’appel à l’oubli et à la concorde n’avait eu pour réponse immédiate la Terreur blanche.

La Terreur blanche, voilà l’œuvre de cette politique