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mettent le feu à la forêt. Cernés par les flammes, mais consolés, raffermis, transfigurés par l’amour, Estérelle et Calendal sont prêts à mourir, quand la population de Cassis accourt à leur aide et, l’incendie éteint, ramène dans une sorte d’apothéose ces deux êtres promis au triomphe et aux joies tardives de l’hyménée.

Tel est le résumé fidèle du poëme. Je ne dissimulerai aucun de ses mérites ; faisons d’abord la part des défauts. Ils proviennent, selon nous, des intentions épiques que le poëte trahit continuellement. D’abord la composition du poëme s’en est ressentie, Elle est jetée dans un moule suranné. Quoi de plus fastidieux que cette forme de récit ? Mistral a beau s’en relever à force de talent, l’impression générale est mauvaise. On ne peut, sans un sacrifice fâcheux à la convention, s’imaginer Calendal déroulant à son plus cruel ennemi toutes ses aventures héroïques et amoureuses, et cela pendant huit chants. Vous figurez-vous un. poème qui tient dans deux récits ? Combien, sous la forme narrative, cette rencontre d’Estérelle et de Calendal, ces épreuves multipliées, eussent été plus vivantes ! C’est encore avec un parti pris d’épopée que les souvenirs de la Provence sont ramenés, même par les allusions les plus éloignées. Estérelle, toutes les fois qu’elle est en présence de Calendal, ne lui répond qu’en déroulant les tableaux du passé, soit que, pour l’exhorter au mépris de l’or, elle lui raconte les prouesses des trouvères, soit que, pour relever son courage abattu, elle lui expose l’aventure du prince d’Orange.