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à cette préoccupation d’effets extérieurs, à cette recherche fiévreuse et malsaine de l’Étonnement.

Borel fut dans son œuvre ce qu’il était dans sa vie au grand soleil, un excentrique. Nous sommes loin de haïr les excentriques ; mais nous les voulons doués d’un talent savant et sûr, maîtres de leur rhythme ou de leur nombre, absolvant les bizarreries choquantes de la pensée par les séduisantes étrangetés du style. Tel ne fut pas Pétrus Borel, faute d’études primitives, faute du travail minutieux auquel se livrent les vrais ciseleurs, il n’eut jamais à lui de style personnel, deforme asservie et domptée ; sa langue aheurtée, rocailleuse, chargée sans entente de néologismes faubouriens et d’archaïsmes pénibles, n’est pas celle d’un écrivain de race. Il serait difficile d’être plus tourmenté, plus incorrect, plus mal à propos mêlé de violences intempestives et de platitudes insupportables. Et pourtant, quoiqu’à chaque instant rebuté par cette absence de style, combien je préfère ce Pétrus Borel, malhabile écrivain, haï des élégances, trivial et convulsif, à toutes les honnêtes médiocrités qui tous les jours s’épanouissent dans le succès. Les pâleurs doctrinaires et les fadeurs académiques ne valent guère mieux que le vocabulaire rèche et grossier du pauvre apprenti architecte. Plutôt la langue abrupte de Pétrus que le prétentieux jargon de M. de Falloux, « l’un des quarante » !

Au reste, cette langue, à peine ébauchée, se sauve du moins dans la prose par ses dons incontestables d’énergie et de mouvement. Elle n’est complétement