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retombe pas sur le monarque. » Ce télégramme fut également envoyé par Rodzianko à tous les commandants en chef dont il demandait l’appui.

Dans la matinée du 27, le président de la Douma adressait à l’empereur une nouvelle dépêche : « La situation s’aggrave, il faut prendre des mesures immédiates, car demain il sera trop tard. L’heure suprême est arrivée qui doit décider du sort de la Patrie et de la dynastie ».

Il est difficile de supposer que ce jour l’empereur ne se fût pas encore rendu un compte exact de la situation catastrophique ; homme indécis et de faible volonté, il cherchait, plutôt, le moindre prétexte pour reculer l’heure de la décision, laissant la fatalité accomplir sa volonté inconnue…

Quoi qu’il en fût, une nouvelle démarche expresse du général Alexéiev, appuyée par les télégrammes des commandants en chef en réponse à Rodzianko, n’obtint aucun succès, et l’empereur, inquiet pour le sort de sa famille, partit, dans la matinée du 28, pour Tsarskoé Sélo, sans avoir pris aucune détermination quant aux concessions à faire au peuple russe.

Le général Alexéiev, ce patriote sage et honnête, n’avait pas assez de fermeté, d’autorité ni d’influence, pour amener l’empereur à une résolution dont la nécessité, à cette heure, était reconnue même par l’impératrice. En effet, dès le 27, celle-ci avait télégraphié : « Les concessions sont indispensables ».

Deux jours de voyage sans but. Deux jours sans contact nécessaire, sans rien savoir des événements qui se développaient et se modifiaient sans cesse… Par ordre de Pétrograd, le train impérial, qui suivait un trajet circulaire, ne put aller au delà de Vichera. Après avoir reçu de nombreux renseignements et appris que la garnison de Pétrograd avait reconnu le pouvoir du Comité Provisoire de la Douma d’Empire et que les troupes de Tsarskoé avaient adhéré à la révolution, l’empereur donna l’ordre de retourner à Pskov.

Soirée du 1er mars, à Pskov. Un entretien avec le général Rouzsky ; l’empereur a pris connaissance de la situation, mais n’a rien décidé. Ce n’est qu’à 2 heures du matin, le 2 mars, qu’il fit rappeler Rouzsky et lui remit un décret sur le ministère responsable. « Je savais que cette concession venait trop tard » — a raconté Rouzsky à un correspondant, « mais je n’avais pas le droit d’émettre mon opinion avant d’avoir reçu des instructions du Comité exécutif de la Douma d’Empire, et je proposai de parler à Rodzianko ». ([1])

Durant toute la nuit, les fils télégraphiques ont transmis des conversations pleines d’un intérêt angoissant et profond et décidant du sort du pays : Rouzsky s’entretenant avec Rodzianko et Alexéiev,

  1. Chessin. La révolution russe.