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cependant de moyens de combat, qui pouvaient amplement suffire pour entreprendre de larges opérations systématiques sur toute l’étendue de notre front.

L’armée se rendait fort bien compte de cette circonstance et sa confiance pour la Douma d’Empire et les organisations sociales s’en trouva grandement accrue.

Cependant, dans le domaine de la politique intérieure, la situation ne s’améliorait guère. Et au commencement de 1917, la tension politique fit surgir un nouveau moyen :

Le coup d’État !

* * *


Des représentants de certaines fractions de la Douma et de certains milieux politiques vinrent trouver à Sébastopol Alexéiev, malade. Ils déclaraient ouvertement qu’un coup d’État était imminent. Ils savaient ce qu’en penserait le pays. Mais ils ne pouvaient se rendre compte de l’impression qu’un coup d’État produirait au front. Et ils demandaient conseil.

Alexéiev déclara de la façon la plus catégorique qu’aucun bouleversement de l’État n’était admissible pendant la guerre ; qu’il constituait une menace mortelle pour le front, qui, d’après sa déclaration pessimiste, « n’était déjà pas trop solide », et il demanda, au nom de la conservation de l’armée, de s’abstenir de cet acte.

Les représentants de la Douma partirent après avoir promis de faire le nécessaire pour éviter le coup d’État.

J’ignore quelles données avait M.-V. Alexéiev, mais il affirma plus tard qu’après l’avoir quitté les membres de la Douma allèrent voir Broussilov et Rouzsky et que, ceux-ci leur ayant donné un avis contraire, ils modifièrent leur première décision : on continua à préparer le coup d’État.

Il est difficile d’éclaircir tous les détails de cette affaire. Ceux qui y prirent part se taisent, les documents manquent, et toute l’affaire fut conduite dans le secret le plus absolu sans que rien en pénétrât dans les larges milieux de l’armée. Cependant on en connut certaines circonstances.

Nombre de personnes s’étaient adressées à l’empereur pour le prévenir du danger qui menaçait le pays et la dynastie. On comptait parmi elles, entre autres, Alexéiev, Gourko, l’archiprêtre Chavelsky, Pourichkevitch, les grands-ducs Nicolas et Alexandre Mikhaïlovitch et l’impératrice douairière elle-même.

Après la visite aux armées du président de la Douma, M. Rodzianko, en automne 1916, on fit circuler chez nous sa lettre à l’empereur, où il le prévenait de ce double danger qui provenait de la participation néfaste au gouvernement de l’impératrice Alexandra. Une de ces « interventions » de Rodzianko lui valut une réprimande impériale, laquelle, sur l’ordre de l’empereur, fut transmise