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qui n’out pas encore perdu leur bon sens, qu’on tente aujourd’hui de détruire, tous ceux-là sont avec vous.

Le soldat vous suivra, quand il aura compris que vous le menez non pas en arrière, vers l’arbitraire et les ténèbres, mais en avant, — vers la liberté et la lumière.

Alors la foudre éclatera sur l’ennemi, en finira de lui, et de la guerre.

Ayant vécu la même existence et dans la même idée que vous, ces trois années de guerre, ayant partagé avec vous et la joie éclatante des victoires et la douleur cuisante de la retraite, j’ai le droit de lancer à ces messieurs qui nous ont insultés jusqu’au fond de l’âme, qui, dès les premiers jours de la révolution, ont accompli envers les officiers leur œuvre de Caïn… j’ai le droit de leur lancer :

— Vous mentez ! Les officiers russes n’ont jamais été ni des mercenaires, ni les suppôts de la tyrannie.

Amoindri, négligé, déshérité par l’ancien régime, menant une existence de privations, notre officier de ligne, tout au long de sa pauvre vie pleine de labeur, a porté, cependant, jusqu’à cette guerre nationale, pareil à un flambeau allumé, sa soif de dévouement et d’héroïsme. De dévouement au bonheur de sa Patrie.

Qu’à travers ces murs les créateurs du nouvel état russe entendent mon appel :

— Épargnez l’officier ! Car depuis des siècles et jusqu’à nos jours il est préposé, sentinelle fidèle et inamovible, à la garde de l’état russe. La mort seule peut le relever de son poste. »

Mon discours, imprimé par les soins du Comité, fut distribué sur tout le front, et je fus heureux d’apprendre par de nombreuses lettres et dépêches qui m’arrivèrent, que les paroles que j’avais prononcées pour la défense des officiers, étaient parvenues jusqu’à leurs cœurs endoloris.

Le congrès organisa, auprès du quartier général, une institution permanente, le « Comité général de l’Union des officiers ([1]) ». Durant les trois premiers mois de son existence, le Comité n’eut pas le temps de jeter de profondes racines dans l’armée. Il se borna à constituer des sections de l’Union dans les différentes armées et dans les régions militaires ; à examiner les plaintes qui lui étaient adressées ; dans des cas exceptionnels, signifier la réprobation publique aux officiers indignes (le « tableau noir ») ; à venir en aide, dans une mesure bien restreinte, il est vrai, aux officiers chassés par leurs soldats ; et enfin à renseigner le gouvernement et la presse sur les événements les plus graves de la vie politique et purement militaire de l’armée. Après l’offensive de juin le ton de ces déclarations devint tranchant, provoquant et critique, ce qui ne manqua pas

  1. Son président était le colonel Novossiltzev, membre de la 4ème Douma d’Empire.