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défaite sous Tarnopol, Kalouche et Riga, la presse extrémiste souleva une campagne contre le Quartier général et le haut commandement, et le journal de Tchernov, en connexion avec les réformes qu’on projetait d’introduire dans l’armée, s’exclamait hystériquement : « que les prolétaires sachent qu’on veut de nouveau les rejeter dans l’étreinte de fer de l’indigence, dans la servitude du travail et de la famine… Que les soldats apprennent qu’on veut de nouveau les asservir à la « discipline » de messieurs les chefs et les obliger de verser tout leur sang, dans le seul but de faire renaître la foi des alliés dans la « vaillance de la Russie… » L’« Iskra » — organe des mencheviks – internationalistes (Martov-Zederbaum) — fut celui qui de tous les journaux, se comporta, dans la suite, avec le plus d’esprit de suite et qui lors de la descente des Allemands dans l’île Esel, publia l’article intitulé « Salut à la flotte allemande ».

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L’armée possédait, en outre, une littérature militaire. Les journaux des états-majors des différents fronts et armées qui paraissaient avant la révolution avaient un caractère de bulletins purement militaires. À partir de la révolution, ces journaux se mirent en devoir, avec plus de bonne foi et d’honnêteté que de talent, de défendre les intérêts et l’existence même de l’armée. Ne rencontrant qu’indifférence ou animosité de la part des soldats qui bien vite avaient tourné le dos à leurs officiers, et plus encore de la part des organes de la « pensée révolutionnaire » publiés parallèlement par les comités, ceux de l’armée commencèrent à s’étioler et à disparaître peu à peu jusqu’à ce qu’enfin, au commencement d’août 1917, par ordre de Kérensky, ils furent définitivement supprimés ; les comités des fronts et des armées eurent seuls le droit de faire paraître des publications destinées aux soldats. Le « Moniteur de l’armée active » — organe du Quartier général, entrepris par le général Markov et non soutenu par la grande presse de la capitale — eut le même sort.

La presse des Comités, largement répandue parmi les troupes, aux frais du gouvernement, reflétait les tendances dont j’ai parlé plus haut, dans le chapitre relatif aux Comités, mais avec des oscillations allant de l’étatisme à l’anarchisme ; de la victoire complète à la conclusion immédiate et spontanée de la paix. Elle reflétait, seulement sous un aspect plus médiocre quant au fond et à la forme littéraire, la même incohérence de pensée et les mêmes tendances aux théories extrêmes qui caractérisaient les journaux socialistes de la capitale. En outre, ceux du front, selon la composition des comités qui les faisaient paraître et en partie, en conséquence de leur proximité de Pétrograd, différaient quelque peu les uns des autres. Le front le plus modéré