Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Congrès panrusse des Soviets reconnut que la déclaration, tout en préparant sérieusement la démocratisation de l’armée, n’avait pas cependant confirmé plusieurs tels droits les plus importants du citoyen sous les drapeaux… Les rapporteurs appartenant au bloc « défensiste » exigèrent que les comités de troupes établissent la fiche (appréciations et renseignements) de chaque officier ; ils demandèrent la liberté de parole même pendant le service et, surtout, la suppression du § 14 de la déclaration. Cet article autorisait le chef à punir de mort les subordonnés qui refuseraient l’obéissance devant l’ennemi… Il est inutile de relever l’opinion de la gauche « défaitiste » du Soviet et du Congrès.

La presse libérale ne sut pas voir l’importance de la nouvelle loi. Elle en disserta superficiellement. L’organe du parti cadet[1] y consacra un article qui manifestait la plus vive satisfaction. On y lisait ceci « La déclaration permet au soldat de se mêler à la vie politique du pays, elle l’émancipe définitivement. Les chaînes de l’ancien régime sont tombées ; l’air frais de la liberté a chassé l’atmosphère empoisonnée des casernes d’autrefois. » Et encore : « Dans tous les pays du monde, l’armée est tenue à l’écart de la vie politique — mais la nôtre possède tous les droits civiques, sans restriction. »

Voilà comment les milieux libéraux comprenaient les principes qui constituent la base même de l’existence des armées ! Et ces milieux étaient les seuls qui défendissent encore l’idée de l’État, dans le désarroi général. Les chefs militaires, devant une pareille attitude, n’avaient plus rien à espérer…

Quant à l’armée, toujours plus rapidement, elle roulait vers l’abîme…

  1. Le « Rietch » du 11 mai.