Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XVIII

« La démocratisation de l’armée » : les comités.


Le facteur le plus important de la démocratisation, ce furent les organisations électives et collectives, depuis la section militaire du soviet de délégués des ouvriers et des soldats et jusqu’à toutes sortes de comités et de soviets auprès des unités et des administrations de l’armée, de la flotte et de l’arrière ; organisations militaires soit mixtes (comprenant des officiers et des soldats), soit composées uniquement de soldats, soit, enfin, composées de soldats et d’ouvriers.

Les comités et les soviets surgissaient partout : ils représentaient une forme d’organisation révolutionnaire, généralement répandue, élaborée avant la révolution et sanctionnée, à son début, par l’ordre du jour n° 1. À Pétrograd, les élections au Soviet avaient été fixées au 27 février et les premiers comités de soldats furent constitués en vertu du dit ordre, le 1er mars. Au mois d’avril, des comités et des soviets arbitraires fonctionnaient presque partout, au front et à l’arrière ; différant d’appellation, de composition et de compétence, ils introduisaient tous un gâchis incroyable dans le système ordonné de la hiérarchie et de l’organisation militaires.

Durant le premier mois de la révolution, ni le Gouvernement, ni les autorités militaires n’avaient rien entrepris pour supprimer ou ramener à des bornes définies ce phénomène dangereux. N’ayant pas, au début, prévu toute la gravité de ses conséquences ; comptant sur l’influence modératrice des officiers ; se servant quelquefois des comités pour atténuer des manifestations violentes parmi les soldats — de même que le médecin se sert de petites doses de poison qu’il introduit dans l’organisme du malade — le Gouvernement et le commandement, encore qu’avec hésitation, reconnurent à moitié ces organisations militaires. Le 9 avril, à Jassy, Goutchkov disait aux délégués de l’armée : « Bientôt aura lieu un congrès des délégués de toutes les organisations de l’armée ; ce congrès élaborera un statut normal commun. En attendant, organisez-vous comme vous pourrez, servez-vous des organisations déjà existantes et travaillez à créer l’union.»

Au mois d’avril, la situation se trouvait tellement embrouillée que le Gouvernement ne pouvait plus différer la solution de la question des comités. À la fin de mars, eut lieu une conférence au