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CHAPITRE XIV

La situation stratégique du front russe au printemps 1917.


La première question essentielle qui se fût posée devant moi au Grand Quartier fut la question du front.

La situation dans le camp ennemi ne nous paraissait pas très brillante. Mais je dois dire franchement que la réalité, telle qu’elle s’est révélée à présent, a dépassé toutes nos prévisions, surtout en ce qui concerne la situation de l’Allemagne et de ses alliés en 1917, ce dont Hindenburg et Ludendorff nous ont tracé le tableau.

Je ne m’arrêterai pas ici aux questions de la corrélation des forces, des moyens et des avantages stratégiques sur le front occidental. Je rappellerai seulement que, vers la moitié de juin, Hindenburg, dans son télégramme à l’empereur, présentait la situation de son pays sous des couleurs fort sombres : « La dépression de l’esprit du peuple nous inquiète beaucoup. Il faut relever son moral, sinon, la guerre est perdue. Nos alliés aussi ont besoin d’être soutenus, si nous ne voulons pas qu’ils nous abandonnent… Il faut résoudre les problèmes économiques, d’une importance extrême pour notre avenir. Reste à savoir si le chancelier est capable de les résoudre. Cependant, ils doivent être résolus, sinon, nous sommes perdus. »

En attendant la grande offensive anglo-française, qui se préparait au front occidental, les Allemands y concentraient toute leur attention, le gros de leurs moyens et de leurs forces, ne laissant au front de l’Est, après la révolution russe, que des effectifs à peine suffisants pour la défense. Néanmoins, la situation du front de l’Est continuait à préoccuper et à énerver le commandement allemand. Le peuple russe tiendrait-il, ou bien se laisserait-il dominer par des influences défaitistes ? « L’état de l’armée russe ne nous permettant pas de répondre d’une façon nette à cette question », dit Hindenburg, « notre situation vis-à-vis de la Russie continuait à demeurer rien moins que sûre ».

Quel était donc en réalité l’état de l’armée russe ?

Au mois de mars 1917, l’armée russe, malgré tous ses défauts, présentait encore une force imposante dont l’adversaire était obligé de tenir compte. Grâce à la mobilisation de l’industrie, à l’activité du comité d’industrie et de guerre et, en partie, des organes du Ministère de la Guerre, quelque peu galvanisés, l’approvisionnement de l’armée en munitions avait atteint des proportions jusque-