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GÉRARD DE NERVAL

s’est lézardé et le doute est entré dans mon esprit. J’ai raisonné avec mon admiration, j’ai discuté avec ma foi, et, quoique sans cesser de croire, j’ai cessé d’adorer : la statue de bronze avait un cœur d’argile ! Ne me dites pas non, car je vous renverrais à la première page de son autobiographie, où il nous apprend, le plus sérieusement du monde, que le ciel, la terre et les étoiles s’étaient donné le mot pour le fêter l’heure de sa naissance. « La constellation était favorable, le soleil était dans le signe de la Vierge et culminait ce jour-là ; Jupiter et Vénus le regardaient d’un air amical, Mercure ne lui était pas hostile, Saturne et Mars restaient indifférents. » Et puis, ce qui est plus grave que cette expansion d’orgueil, qui est peut-être une ironie de style, c’est la façon, ou plutôt le sans façon dont il traite l’amour, ce colosse. Lucinde prophétisait quand, dans sa rage folle d’être dédaignée, mordant tout à coup de sa bouche de feu les lèvres de glace du jeune Gœthe,