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GÉRARD DE NERVAL

dormez pas, car on vous trouverait au matin morts de froid… » Il n’avait pas dormi, n’en ayant pas envie d’ailleurs, et avait passé une partie de cette longue nuit à jouer avec les enfants, ses compagnons, pour se réchauffer, — ce qui ne l’empêchait pas, tout en racontant cela, de grelotter et de claquer des dents.

Gérard n’avait pas d’argent : il emprunta cinq francs à son ami qui, après avoir insisté inutilement pour lui faire accepter une somme plus sérieuse, l’emmena déjeuner avec lui dans un restaurant de la rue des Prouvaires. Au début du repas, Gérard, regaillardi par la chaleur de la salle et par celle du bourgogne, semblait être mentis compos ; mais peu à peu, à mesure que sa mémoire dégelait, il se rappelait, et son visage s’assombrissait. Ce qui le préoccupait surtout, c’était son roman commencé, qu’il ne savait comment terminer.

« — Je suis désolé, disait-il ; me voilà aventuré dans une idée où je me perds ; je