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GÉRARD DE NERVAL

ne songeaient pas du tout à moi, je rebâtissais aussi, dans mon esprit, l’édifice féminin dont les ruines surplombaient à quelques pas de moi. Je reconstruisais, à grandes truellées d’imagination au sas, cette existence démolie par les tempêtes d’une vie certainement très-accidentée ; j’essayais de retrouver, sous le lierre parasite et les pariétaires immondes qui la recouvraient, sans l’habiller, la jeune femme pour laquelle avaient jadis battu tant de cœurs vingtenaires. La vie se boit comme le vin, et, comme le vin aussi, elle grise les uns et réconforte les autres. Quand on l’a bue aux trois quarts, il ne vous en reste plus que la lie — c’est-à-dire le souvenir — qui trompe votre soif durant les dernières années que vous avez encore à vivre. Cette lie, douce aux lèvres parfois, amère au cœur souvent, ce sont les reliquiæ — qui sont faites d’amour, pour la plupart. Je me demandais précisément quelles pouvaient être les reliquiæ de cette vieille sordide qui, de toute