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GÉRARD DE NERVAL

les lueurs tremblotantes du poêle de fonte qui ronflait en ce moment comme une toupie d’Allemagne. Mademoiselle — la chatte familière de la maison — était sur mes genoux et elle essayait de me prouver, par un ronron éloquent et prolongé, que j’avais tort d’être mélancolique et de songer aux absents et aux absentes, qui certainement ne songeaient pas du tout à moi. Une vieille femme, une pauvresse du voisinage, mangeait à quelque distance une sorte de brouet noir apporté par elle sur son gueux. Elle avait des dents chassieuses et des yeux pleins de tartre. Au bout de son nez de corbin pendaient continuellement des stalactites de couleur ambrée, des roupies de Damoclès suspendues au-dessus de son potage. Malheureux potage ! quel dégoût il devait éprouver à être mangé par cette horrible vieille — qui peut-être, quarante ans auparavant, avait été une agaçante jeune fille « aux yeux de flamme ! »

Tout en songeant à ceux et à celles qui