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MAGDELEINE, CHANT I

» C’est un dieu qui, forçant sa divine nature,
» Vient des pauvres mortels goûter la nourriture ! »

Ô Jacob ! ô David ! jours de calamités !
La foule applaudissait à tant d’impiétés !
Et le jeune insensé, plein d’une double ivresse,
S’enflammant aux regards de sa belle maîtresse,
Et vantant par ses vers un trop heureux amour,
Riait, parlait, buvait et chantait tour à tour.
Puis Joseph dans ses bras serrait la harpe antique ;
Sainte, elle accompagnait un profane cantique ;
Tandis qu’autour de lui le vin oriental,.
Quittant avec fracas la prison de cristal
Où depuis quinze hivers son doux parfum sommeille,
Retombait dans la coupe en cascade vermeille.

Déjà du haut des cieux l’étoile du matin
A fait pâlir l’éclat des flambeaux du festin.
Magdeleine aperçoit leur tremblante lumière.
Du somptueux banquet se levant la première,
« Séparons-nous, dit-elle, il est tard, et j’entends
» Le concert matinal des oiseaux du printemps.
» Allez, qu’un doux repos à ses lois vous enchaîne ;
» Adieu, nous nous verrons à la fête prochaine.
» — À demain, dit Joseph en lui baisant la main. »
Et la troupe joyeuse a répété : « Demain ! ».
Les plaisirs ont cessé, l’ivresse dure encore.
Par les chants de la nuit insultant à l’aurore,
Les convives enfin s’éloignent de ces lieux ;
Le pauvre est réveillé par leurs bruyants adieux ;
D’un regard indigné le prêtre les contemple,
Et va pour leur salut prier dans le saint Temple.


Villiers-sur-Orge, novembre 1822.