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POÉSIES

Le plaisir est son culte, et l’amour est son dieu.
Jamais il n’accorda le pardon d’une offense,
Mais un tendre soupir, le trouvait sans défense.
Ses yeux presque fermés étaient doux et moqueurs ;
Il savait des discours qui charmaient, tous les cœurs,
Il les avait appris dans un monde perfide,
Et pourtant son langage était simple et timide.
Des sages, des enfants il était écouté :
Comment se défier de la timidité ?

Ce jour-là, soit raison, ou soit par indolence,
Auprès de Magdeleine il gardait le silence.
Cachant à ses amis ses craintes, ses désirs,
Avec indifférence il voyait leurs plaisirs ;
Et lorsque des rivaux la foule adulatrice
D’un regard bienveillant implore le caprice,
Lui, paraît dédaigner ce trop facile honneur,
Son sourire trahit un insolent bonheur.
Cependant Magdeleine a lu dans sa pensée,
De son morne silence elle semble offensée ;
Il le voit, il se lève, et, domptant sa fierté,
Tout à coup fait briller sa tardive gaîté :
« Donnez, dit-il, la coupe à mes lèvres avides.
» Eh quoi ! les flacons d’or en mes mains restent vides ?
» Les plaisirs du festin ont-ils fui les premiers ?
» Nos coteaux ne sont-ils généreux qu’en palmiers ?
» Ah ! que n’est-il ici ce charpentier prophète
» Qui de l’humble Cana vint partager la fête,
» Et, d’oublier ses maux se faisant un devoir,
» Par un joyeux miracle attesta son pouvoir !
» Du Ciel ou de l’Enfer quel aimable transfuge !
» C’est un nouveau Noé sans arche et sans déluge :
» C’est un roi travesti pour sauver l’univers ;
» C’est un ange perdu dans un monde pervers ;