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MAGDELEINE, CHANT I

Ces colonnes de jaspe, et ces flambeaux superbes
D’où la flamme s’échappe en lumineuses gerbes.
L’aloès et la myrrhe, aux saints autels ravis,
De ce temple profane embaument le parvis ;
Les tapis de l’Égypte en décorent l’enceinte.
Sous un dais recouvert de pourpre et d’hyacinthe[1],
Dans la salle de fête un banquet est dressé.
Là, des jeunes flatteurs le cortège empressé
Sur les sièges d’ivoire avec ordre se range ;
Chacun s’anime, on rit ; l’encens de la louange
Autour de Magdeleine exhale ses vapeurs.
Elle-même préside à ces plaisirs trompeurs.
Elle sait d’un sourire encourager la joie ;
Par des soins prévenants sa grâce se déploie.
Le vieil Herbas près d’elle a voulu se placer :
Aux rêves du jeune âge il ne peut renoncer.
Cette femme à l’œil noir est la belle Aurélie ;
Cette autre est Salomé, par l’esprit embellie.
Plus loin on voit Phares, de la tribu d’Aser,
Et Nachor, surnommé le Lion du désert.
On reconnaît Paulus à sa toge romaine ;
Le dépit l’éloigna, mais l’espoir le ramène :
De l’adorer toujours on avait fait serment.

Mais quel est ce jeune homme au front pâle et charmant,
Ce convive distrait que la joie importune ?
Sa tristesse n’est pas celle de l’infortune :
Il est préoccupé d’un souvenir plus doux
Que tous ces vains plaisirs dont il n’est point jaloux.
C’est le noble Joseph, natif d’Arimathie ;
Hélas ! dans le péché son âme est endurcie ;
On ne le voit jamais prier dans le saint lieu ;

  1. Livre d’Esther, festin d’Assuérus.