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Son maintien, moins hardi, reste empreint de tristesse ;
Ses chants ont moins d’éclat, ses pas moins de vitesse ;
Et des pleurs essuyés ses yeux encor brûlants,
Son rire entrecoupé par des soupirs tremblants,
Sa vue émue encor des lointaines alarmes,
Tout., dans ses jeux, trahit un jour entier de larmes.

Oh ! combien j’ai souffert avant ces doux moments !
Que de nuits sans sommeil, d’affreux pressentiments !
Mais aujourd’hui mon cœur chérit ses craintes vaines,
En le voyant sourire au récit de mes peines.
L’obstacle est un rempart ; alors qu’on le franchit,
De tous les maux passés le bonheur s’enrichit.
Ainsi, le vieux soldat rentré dans sa patrie
Contemple avec amour sa blessure guérie,
La montre à ses enfants comme un noble trésor,
D’un reste de douleur aime à souffrir encor !
Des jours de grands combats il raconte l’histoire,
Et chaque cicatrice a son nom de victoire ;
De ses fils avec joie il excite les pleurs,
Et lorsqu’un ciel changeant ramène ses douleurs,
« Oh ! dit-il en riant d’un facile courage,
Ma balle d’Austerlitz nous annonce l’orage. »

Ainsi, mon cœur joyeux aime à se rappeler
Les chagrins dont un mot a su me consoler ;
Et, dans ce souvenir, trouvant de tristes charmes,
Ose croire au bonheur — payé par tant de larmes  !