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Un modeste laurier encor baigné de pleurs,
Dont une faible main ne choisit que les fleurs.
Des vers à sa compagne il permettra l’ivresse,
Car l’inspiration redouble sa tendresse.
C’est à lui qu’elle parle en son enchantement ;
Chacun de ses accords est un noble serment.
Dans ces yeux inspirés que le vulgaire admire,
Il ne voit qu’un regard qui le cherche et l’attire ;
Cette main, sur le luth habile à moduler,
Est la main qu’en la sienne il a senti trembler ;
Cette voix, que les vers rendent grave et sonore,
Pour lui n’est qu’un soupir, un accent qui l’implore.
Dans sa fragile gloire il ne voit qu’un danger,
Et, quand chacun l’envie, — il court la protéger !

Ah ! ce sont d’autres cœurs que la gloire sépare !

Mais, dans ces vœux d’orgueil d’où vient que je m’égare ?
Pourquoi les désirer, ces triomphes d’un jour ?
Est-il donc un succès plus beau que son amour ?
L’orgueil de l’enchaîner suffit à ma mémoire ;
Son bonheur désormais sera toute ma gloire ;
Sous un reflet — mon front sera plus radieux :
Le lac de nos vallons éblouit plus les yeux,
Quand le disque du jour dans ses flots vient se peindre,
Que le phare des mers, qu’un souffle peut éteindre ; —
L’écho, qui de la lyre ose imiter les chants,
A de plus nobles sons — que la flûte des champs ;
La brise qui se joue au front des lis superbes
A de plus doux parfums que le bluet des gerbes...
Et moi, pour mieux briller, je m’efface aujourd’hui.
Gloire, succès, bonheur, je tiendrai tout de lui ;
Et mon ambition, pour seule renommée,
Est que l’on dise un jour : « Corinne en fut aimée ! »