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POÉSIES

— Non… t’oublier, te fuir, voilà mon seul devoir.
» Je suis las de t’aimer, honteux de ton pouvoir !
» Rends à l’heureux rival dont la foi te réclame
» Tous les droits qu’un moment j’usurpai sur ton âme ;
» Il ne me verra plus, dans mon juste mépris,
» De son crédule amour lui disputer le prix. »

Magdeleine, à ces mots, sans paraître offensée,
Veut calmer de Joseph la colère insensée :

« Quelle nouvelle erreur trouble votre raison ?…
» Pour qui m’accusez-vous d’oubli, de trahison ?…
» D’Alcas redoutez-vous le sublime délire ?
» L’Ausonie et la Grèce ont couronné sa lyre ;
» Mais lorsque dans ses chants mon nom vient l’inspirer.
» Sans flatter son amour, ne puis-je l’admirer ?…
» Trop fière de régner sur une âme sauvage,
» Du farouche Nachor si j’accueillis l’hommage,
» Je n’ai par nul espoir encouragé ses vœux…
» De Pharès craignez-vous les frivoles aveux,
» Son langage indiscret, et sa gaîté naïve ?…
» Ah ! la voix qui séduit est une voix plaintive,
» Et qui n’a point souffert n’est pas digne d’aimer !…

» — Perfide ! il en est un que tu n’oses nommer !… »
S’écrie alors Joseph dans sa jalouse rage ;
« Paulus eut ton amour !…

« Paulus eut ton amour !… — J’honorai son courage,
» Il est vrai. Dans nos murs par Tibère exilé,
» D’un injuste destin mes soins l’ont consolé.
» Je rendis l’espérance à son âme flétrie ;
» Il croyait près de moi retrouver la patrie,