Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée


Dans un coffre élégant par son ordre apporté,
Avec un soin risible, elle avait apprêté
Ce qu’il faut pour mourir… d’une mort fastueuse ?
Non ; — pour mourir, hélas ! comme une REPASSEUSE,
Selon l’expression d’une femme d’esprit.[1]
Elle se rappela ce mot, elle en sourit.
De gaîté, de douleur, incroyable mélange !

« Que dira-t-on de moi, de cette mort étrange ?…
Bah ! des malins soupçons qu’importe la noirceur ?
Dit-elle ; je n’ai plus de mère et point de sœur !
Qui pourrait concevoir une idée offensante !…
Ma mort même dira que je fus innocente ;
Et lui me défendrait… C’est un homme d’honneur.
Oh ! s’il m’avait aimée ! hélas ! que de bonheur !…
Pour lui j’aurais été soumise, douce et tendre !…
Comme sa femme, ici, j’aurais droit de l’attendre ;
Je le consolerais ; il serait mon appui,
Et je pourrais mourir sans honte auprès de lui ! »

Et des pleurs, excités par cette humble pensée,
Soulagèrent alors sa poitrine oppressée.

                                ――

Au coin du feu, rêveuse, elle resta longtemps :
Elle entendait gémir le vent sec du printemps,
Qui, sur le boulevard, faisait craquer les arbres ;
Et, triste, elle songeait au froid mortel des marbres,
Au tombeau qu’elle aurait… à l’horreur de mourir :
Sur son propre malheur elle allait s’attendrir…

  1. Une jeune fille s’était asphyxiée par amour pour M. de L. G. On lui faisait compliment de ce succès devant la duchesse de Coigny : « En vérité, il n’y a pas de quoi être fier, dit-elle ; c’est une mort de repasseuse. »